#pmapourtoutes

Je vois fleurir depuis quelques jours sur les pages de mes amies, ou plus loin, ces hashtags, ces photos de (magnifiques) familles, heureuses, bien sûr heureuses.
#despaillettesdansnosvies #pmapourtoutes #6octobre

Elle viennent occuper l’espace médiatique concernant le sujet, toujours aussi brûlant bien que je n’en voie toujours pas l’importance nationale… de l’ouverture de la PMA pour toutes.
Elles viennent contrer les craintes sur le sujet.
Montrer la réalité de nos familles, heureuses, oui, très.
Prendre notre place, oui.
Tant qu’il y a de l’énergie pour se battre contre nous, il faut trouver l’énergie de se défendre, oui.

Je sais tout ça..
Pourtant je ronchonne. J’en ai marre.

Je ne veux pas revivre l’année noire de 2013 où allumer un écran équivalait à se prendre une salve d’insultes. Je pensais naïvement que, puisque la civilisation ne s’était pas effondrée depuis la loi sur le mariage pour tous, on était (enfin) passé à autre chose..

Ma famille est heureuse, oui.
Nous sommes passées par de la PMA pour la former, oui.
Ma famille est heureuse, je le redis.

Ou quand elle ne l’est pas, ce n’est pas du fait de l’absence d’un père pour mes enfants, non, c’est parce que… la vie est difficile parfois.
Que c’est difficile d’élever des enfants, de les accompagner à affronter la vie, les copines à la récré qui veulent plus jouer avec moi, Ghenam qui fait rien que de me faire peur, le fait d’être dernier au laser game, d’être frustré de ne pas avoir de Switch et de ne pas pouvoir jouer à Fortnite parce que tout le monde y joue maman..

On brandit (again..) l’intérêt de l’enfant, des valeurs dont nous manquerions, un certain idéal et surtout, l’idée que la PMA sans père serait une abomination, un réel problème de société contre lequel il faut se soulever…
J’en perds mes mots, de devoir (re)expliquer, again, la réalité de nos familles.
J’en perds mes mots de devoir déconstruire des stéréotypes et toutes ces craintes infondées.
Les mots qui me viennent sont ceux d’une grande philosophe de notre époque, Pink « Let me tell you about hard work »..

Notre famille a affronté des vraies épreuves, oui.
Des trucs vraiment graves.
La perte de proches.
Devoir réanimer son propre enfant qui s’est noyé dans une piscine.
Ou vraiment dur.
Gérer une famille nombreuse avec des jumeaux en bas âge.
« This » is hard work.

Notre famille affronte les vrais défis du quotidien.
Devoir subvenir aux besoins émotionnels et matériels de toute une tribu, penser à aujourd’hui, à demain, quand il faudra payer des études supérieures, protéger leur avenir.
Devoir entourer ses enfants du meilleur, de repères, de valeurs, d’amour.

Avoir deux mamans en est un oui, c’est vrai.
Au simple et même titre qu’avoir un enfant est un défi du quotidien.
En avoir quatre est une histoire de multiplication.

Nos enfants n’ont pas de père, c’est vrai.
C’est une réalité et jamais nous ne l’oublions.
Ils n’en ont pas moins de (super) modèles masculins autour d’eux.
Ils n’en sont pas moins à peu près équilibrés.
Ils savent la réalité de la vie et de la biologie.

Si on veut entrer dans les clichés, puisque c’est parfois sur ce terrain que semble se jouer ce « débat », ils regardent le foot à la télé, j’attends impatiemment la première bière que je pourrais partager avec eux. De son coté ma femme les emmène faire de la rando en VTT et ils reviennent de la boue plein les jambes et des étoiles dans les yeux, elle leur apprend à manier une perceuse et un truc avec la bulle au milieu   ? Vous voyez?
Je leur apprends aussi à cuisiner, à faire monter une sauce béchamel mais aussi comment on fait les bébés, ou à qu’est ce que ça veut dire maman se masturber.
Et j’en passe…
Ah, on me souffle dans l’oreillette que tous ces clichés, je précise, j’ai l’intention de les réaliser aussi bien avec mes garçons qu’avec mes filles un jour..

Je n’ai pas la prétention d’être omnipotente, et je revendique même fièrement mes imperfections.
Je pense même qu’elles sont mon meilleur allié dans ma parentalité.

Je n’ai jamais minimisé la différence des sexes.
Mon coté old fashioned. Et encore moins, je n’ai minimisé la place d’un père.
Je « combats » l’idée que chaque compétence serait figée par le genre.
Que la cuisine et les câlins c’est pour maman, et le bricolage et l’autorité pour papa.
Que certaines choses ne sauraient être délivrées que par un homme ou à l’inverse une femme.

Nos enfants auront des manques oui, c’est vrai.
Comme tous les enfants.
Parce que ni ma femme, ni moi, ne sauront leur apprendre à pêcher un poisson et le vider à mains nues, ou à construire une hutte avec des feuilles. Je doute fortement que tous les couples avec un papa et une maman savent transmettre toutes les compétences cumulées à l’intérieur de tous les parents du monde à leurs enfants.

Nos enfants auront surement à un moment donné de leur vie envie d’une autre famille oui, et peut-être envie d’avoir eu un père oui, je le reconnais et je m’y prépare.
Au même titre qu’ils auraient pu vouloir d’autres parents, même en ayant un père et une mère, ou vouloir une grande sœur, ou vivre à Brooklyn…
C’est une phase de rébellion tout à fait normale dans le développement de l’enfant.

C’est utopique, et plutôt inquiétant à mon sens, de penser qu’on représente en tant que parent absolument tout ce dont son enfant a besoin, sans distinction des différences de ces enfants et de leur besoins.
En tout cas, moi personnellement, je n’aurais pas la prétention de revendiquer cela.
Mais en revanche, je garantis de toujours essayer.
De trouver les solutions à chaque problème qui se posera sur notre chemin, de m’adapter, de me remettre en cause s’il le faut.

Nous sommes ce que nous sommes, nos compétences, nos failles.
Ce n’est pas qu’une histoire de genre.

Un dimanche d’octobre, encore, des gens iront manifester dans la rue, contre la PMA sans père, bien que le texte ait été adopté le 27 septembre (date de mon anniversaire de mariage, joli clin d’oeil au passage)
Non pas contre un principe ou une théorie, non…
Contre moi, contre ma famille, contre mes enfants qui sont là, bien réels.
Par crainte de… je ne sais pas… La fin des valeurs de la famille, la perte de repères et in fine le malheur de mes enfants.
Pour les protéger en somme.
Laissez-moi noter, que le seul vrai malheur dont je ne peux réellement protéger mes enfants c’est celui de subir et de recevoir les craintes et les insultes de ces mêmes personnes qui manifesteront dimanche en revendiquant le fait que je ne devrais pas avoir d’enfants car « je » les rendrai forcément malheureux… On marche sur la tête.

Je défie quiconque de s’être posé autant de questions sur le bien-être de ses futurs enfants que ma femme et moi.
Quand on doit traverser l’Europe, en payer le coût financier et humain, croyez-moi, c’est qu’on ne fait pas cela à la légère.
De s’être demandé si nous étions, un couple assez solide, avec.. what it takes, pour leur garantir la sécurité émotionnelle, les exemples, les valeurs et l’ouverture d’esprit dont un enfant a besoin pour s’épanouir.

Je défie quiconque de venir me regarder dans les yeux, d’observer mon quotidien de parent, depuis dix ans, et de me dire que je n’ai pas de valeurs familiales.

Dimanche, vous m’excuserez, mais avant de combattre je ne sais quel moulin en allant m’occuper de ce que devrait être la famille des autres, je vais me concentrer sur la mienne.

Je pense que l’intérêt de l’enfant, des miens mais de tous, c’est de passer du temps ensemble, pour ceux qui ont la chance de le pouvoir.
De profiter de ces moments, pour écouter mon grand me raconter en détail son match de hand, encourager mon second à gratter ses cordes de guitare, jouer au papa et à la maman (et oui) avec les playmobils et mes filles en se déguisant avec des robes à paillettes, de lire des histoires en faisant des voix différentes, de cuisiner un gâteau zèbre et de lécher le plat, et peut-être même que, pour rassurer ceux qui trouvent qu’il manque de testostérone dans ce tableau, on ira taper quelques ballons dans le parc en construisant une cabane avec des gros bâtons.

L’intérêt de l’enfant, l’intérêt de mes enfants, c’est d’abord et avant tout continuer d’être là, pour eux, aussi imparfaite que je suis et que notre famille le sera.

Le débat, si on voulait le mener réellement, dirait qu’éduquer un enfant n’est pas une histoire de genre, c’est une histoire d’humilité.
Celle de ne pas se sentir légitime uniquement par le fait d’être un père et une mère, et une famille dite traditionnelle.
L’humilité de se savoir imparfait, faillible parfois, et de se remettre en question pour pouvoir apporter à son enfant le meilleur.
Reconnaître aussi que le meilleur est multiple, qu’il y a autant de façons d’élever un enfant que de familles différentes.

Sur ce, veuillez m’excusez, j’ai une licorne à colorier qui m’attend et un match de foot anglais à regarder.