(se)Remettre des mots.aux

En mai, fais ce qu’il te plait.
Même le bilan de l’année six mois plus tard, parce que c’est comme ça.

Et parce que, fait rare, c’est le temps qu’il m’a fallu.

L’année 2018 donc.
Une année qui a commencé comme les deux précédentes avaient terminé. A fond. Famille nombreuse, famille heureuse assurément… et tellement d’autres adjectifs… Quatre enfants dont des twins… On nous avait dit qu’il fallait survivre aux trois premières années…

La fin d’hiver, les premières glisses d’une vie pour les filles, ça compte. Le printemps, dont je n’ai à vrai dire que très peu de souvenirs, si ce n’est qu’il a filé comme le reste. L’escapade de Juin, dans ce Happy Place face à la mer, courir sur la plage, sauter dans les vagues, les regarder sourire, souffler dans ses bras, comme une bouffée d’air dans ce quotidien dans lequel il faut surnager.

Et puis l’été.

Il faut bien le dire, il avait mal commencé. Pourtant j’ai été dansé dans une fontaine avec mes fils, on a dansé dans la nuit des klaxons et des drapeaux bleu blanc rouge. J’ai escaladé des montagnes. Petits rayons de soleil. Mais à coté de ça, j’ai eu un été pourri. Deu début à la fin. Parce que, il y avait la vie, cette accumulation de coups durs, de ratés. Des prises de tête un peu inutiles dont j’ai oublié le fond depuis, la mauvaise série. Du t-shirt insultant sur les photos de famille, à l’ex qui ressort avec sa valise de souvenirs encombrants, en passant par le questionnement profond de ce boulot qui me passionne mais qui, comme beaucoup de mes collègues, me dévore le ventre. J’ai réalisé qu’il fallait que j’apprenne à mettre des barrières, que parfois, faire le bien, pour l’autre, c’est d’abord faire ce qui est bien pour soi. Princesse Tam Tam Rules. Ensuite j’ai perdu ma grand-mère. Je n’ai pas réussi à prendre ma mère dans mes bras, again. Et puis quand je pensais avoir touché le fond en terme de loositude et de période de merde, ma fille s’est noyée.

Et je l’ai sauvée.

Je suis là, aujourd’hui, à faire un bilan d’année 6 mois trop tard parce que c’est le temps qu’il m’a fallu pour affronter ces mots là.
Ce n’est peut être pas grand chose pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.
Pourtant moi qui manie plutôt bien les mots, ceux là, il m’a fallu ce temps pour en arriver là.

Il m’a d’abord fallu les entendre.
Beaucoup. Ou ne pas les entendre plutôt.
Ecouter un bruit sourd, répété, comme une ritournelle qui revenait trop souvent pour que je n’y prête pas attention.
Mais dont je ne me sentais pas concernée.

Puis il a fallu travailler, avec des aides merveilleuses, pour réussir à ce que ces mots sortent de ma bouche.
A faire mienne cette réalité.

On m’a dit d’écrire.
Ça aussi je l’ai entendu, dans le brouhaha du bouillonnement des mon cerveau.
J’ai réalisé dernièrement pourquoi je n’écrivais pas. Plus.

On écrit pas sur ce qu’on aime, sur ce qui ne pose pas de problème, disait Zazie. Je ne m’inquiétais donc pas.
Il s’avère que mon grand maitre Scarabée m’a ouvert les yeux, on écrit pas, non plus, quand ça ne va pas. Mais vraiment pas.

Alors voilà, me revoilà.
Je vais mieux donc.
Enfin… mieux que pire.

De cet été pourri, donc, de cette année, j’ai besoin d’écrire le bilan pour ne pas qu’elle se résume à ce jour là. Mais indéniablement il prend et prendra toujours beaucoup de place.
Il y aura un avant et un après.

Il a d’abord fallu se relever.
Le jour d’après.
Pas sur le moment, parce que dans l’action, parceque « ce » moment là, ne me pose pas de problème. Quand l’hypersensible que je suis n’a pas encore eu le temps de recevoir ses émotions au niveau cortical.
Quand il faut juste agir, primairement, basiquement.
Ça, je sais.

C’est l’après que je ne savais pas.
C’était écrit.
Je ne me suis pas écroulée au même rythme que les autres.
Qu’L en particulier, c’était évident, nous n’allions pas vivre ces mois là sur la même portée. C’est une chance au fond, celle de pouvoir se soutenir à tour de bras. Le risque étant, de ne pas se perdre.
Je ne dirais pas qu’il est complètement levé.

Je réalise que j’ai tellement de mots à sortir aujourd’hui.

On m’a dit d’écrire.
Je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas pu.
J’ai tant à rattraper.

Je vous parlerai du silence des catastrophes.

Du temps qui passe.

De comment c’est difficile pour les proches.
De tous ces éléphants au milieu des magasins de porcelaine.
Des mots qui font basculer, des silences aussi.

Je vous parlerai des maladresses, de ce gentil médecin qui m’a demandé combien de fois j’avais du réanimer quelqu’un dans ma vie.
« Deux, seulement ?  »
Deux de trop.

Je vous parlerai de ces pensées, de ce combat dans mes souvenirs pour trouver ceux, les plus forts qui pourraient contrer les images à oublier. A digérer.

Je vous parlerai de la vague.
Celle que je n’ai pas vu venir, celle qui m’a prise par surprise ce printemps au bord d’un lac d’huile, et des ricochets.

Je vous parlerai d’L.
De cette femme, la mienne, mon roc que j’ai vu vasciller pour la seconde fois.
De ses combats. De ceux qu’on ne peut pas mener ensemble.

Je vous parlerai des enfants, de leur incroyable capacité de verbalisation.
Tous. Du crocodile. De la lumière.
D’apprendre à nager avec la tête hors de l’eau.

Du beau aussi, qui par surprise ressort de tout ça.
Des liens qui se resserrent.
De cette nouvelle personne que je suis devenue.
Par la force des choses.

Et qu’il me faut ré apprivoiser.